ANDREA PALLADIO
Aucun autre architecte de l'histoire de l'art occidental n'a provoqué de suites aussi spontanées que persistantes au cours des siècles qu'Andrea Palladio. Le dit palladiennisme fait sauter toutes les frontières des formes particulières du paysage artistique.Il ne s'étend pas seulement aux pays romans, mais saisit de la même façon l'Allemagne, les Pays-Bas, la Scandinavie, les pays de l'Europe de l'est, et fonde une des racines les plus importantes de l'architecture anglaise des XVIIe et XVIIIe siècles. Et bien que Palladio se soit concentré sur la<< pure>> architecture pendant toute son oeuvre, les formes qu'il a créées ont marqué d'autres domaines de leur empreinte, notamment celui des meubles d'art anglais du XIXe siècle.
Des suites revêtant une telle ampleur, permettant à l'oeuvre d'un seul artiste de définir un style se perpétuant au-delà des siècles, supposent nécessairement que des normes aient été instituées, des quasi-modèles élaborés, et que l'on puisse les appliquer à d'autres objets indépendamment de chaque oeuvre. C'est pourquoi on voit en Palladio le premier <<clacissiste>>, de l'architecture moderne, c'est-à-dire le maître qui, dans son intense confrontation avec l'architecture antique, n'a pas seulement
essayé de faire revivre cette dernière pour son époque contemporaine, mais de l'imiter et de l'élever à une valeur indépendante du temps. Palladio a lui-même largement contribué à ce jugement et à ce que les regards se portent particulièrement sur son oeuvre. Ill publia non seulement en 1554 le livre <<L'Antichita di Roma>>, en tant que résultat de son voyage à Rome, sorte d'inventaire des monuments conservés ou déjà redécouverts à Rome vers le milieu du XVIe siècle, mais annonce dans l'introduction de ses <<Quattro libri>>, parus en 1570, qu'il avait choisi Vitruve comme guide et maître, car <<les anciens romains ont surpassé tous ceux...même dans le domaine de la construction, qui sont venus après eux....>>
Goethe entre autres avait déjà reconnu que l'horizon devant lequel ses édifices voulaient être vus et compris, devait être considéré dans un sens beaucoup plus large. Il écrivit le 30 décembre 1795 à son ami et conseiller Heinrich meyer : << Plus on étudie Palladio, moins on comprend le génie, la maîtrise, la richesse, la versatilité et la grâce de cet homme.>>- En 1980, à l'occasion du 400ème anniversaire de la mort de Palladio, outre la qualification de l'architecte en tant que classisiste pur, on consacra une série d'autres slogans pour désigner son oeuvre : Palladio en tant que maître, qui sous l'influence de cercles humanistes d'Italie septentrionale, avait essayer de réaliser l'idéal d'une nouvelle Arcadie ; Palladio, qui avait réussi, en sa qualité de fidèle serviteur des comettants féodaux, à transposer les formes de domination usuelles dans ses villas et façades frontales de palais ; Palladio enfin, qui en dépit de son <<classicisme>>, avait été un représentant typique du dit maniérisme.
Toutes ces classifications cotiennent certes un noyau de vérité; cependant, comme toutes les généralisations, elles ne correspondent pas au coeur de son oeuvre.La question que l'on doit de nouveau se poser est la suivante : en quoi consistent donc les termes mis en apostrophe par Goethe de<< richesse >> et de <<versalité>>? Et de plus . étant donné que l'architecture de l'Antiquité romaine constitue sans doute l'une des bases de l'oeuvre de Palladio - Qu'est -ce donc que Palladio a effectivement repris à l'Antiquité, et comment a-t-il appliqué ces inspirations, en fonction de chaque ouvrage et du stade de son évolution, à ses propres idées artistiques?
Palladio, dont le nom civil est Andrea di Piero, naît le 8 novembre 1508 en tant que fils d'un meunier de Padoue. Celui-ci conclut pour son fils de treize ans un contrat d'apprentissage pour une durée de 6 ans avec l'atelier de l'architecte et tailleur de pierre Bartolomeo Cavazza da Sossano à Padoue. Les circonstances exactes de son apprentissage n'ont pas été éclaircies jusqu'à nos jours. En avril 1523, Andrea s'enfuit de l'atelier de Cavazza et part pour Vicence, à la suite de quoi il est cependant forcé à revenir pour cause de rupture de contract. Un an plus tard, le jeune tailleur de pierre peut adhérer à la coorporation des maçons et tailleurs de pierre de Vincence, et est engagé par le célèbre atelier de Giovanni di Giacomo da Porlezza à Pedemuro. Au début, rien n'indique une carrière dépassant le domaine artisanal.Sa tentative, en 1530 de fonder son propre atelier, échoue manifestement peu de temps après. Il est prouvé qu'en 1534, Palladio fait encore partie de l'atelier de Pdemuro. Ainsi, on peut dire d'une part que sa déclaration déjà mentionnée selon laquelle il se serait consacré depuis ses jeunes années à l'étude de l'art de la construction, ne demeure qu'un souvenir déformé par ses succès ultérieurs, et que d'autre part, sa longue activité en tant que tailleur de pierre à certainement affiné son sens de la formation et de la perfection des détails.
Des documents notifiant sa première rencontre le 19 février 1538 à Vicence avec le Comte Giangorgio Trissino 81478-1550), hautement estimé et actif de façon multiple en tant quécrivain dans le cercle humaniste, ont été coservés. Nous ne disposons d'aucune information concernqant les relations personnelle4s entre le jeune tailleur de pierre,auquel on attribue le 16 août 1540 le titre professionnel d'architecte, et le noble de Vincence. De toute façon, Trissino doit avoir donné accès à Andrea di Piero au cercle distingué des comettants de Vicence ainsi que lui avoir permis de réaliser des études approfondies de l'architecture contemporaine et romaine. pendant l'été 1541, il semble qu'il puisse réaliser un premier voyage à Rome en compagnie de son protecteur, auquel succède un autre séjour commun plus long entre la fin de l'automne 1545 et les premiers mois de l'année 1546. C'est encore Trissino qui donne à l'architecture en 1545 le nom de <<Palladio>> d'après Pallas Athene, la patronne des arts. Au cours d'un autre voyage à Rome pendant les années 1546-47, Palladio se consacre aussi à des études à Tivoli, Palestrina et Albano. L'espoir de trouver un emploi en 1549 dans la loge maçonnique de Saint Pierre à Rome s'effondre à la mort du Pape Paul III. Palladio présente en 1554 le fruit de ses voyages à Rome, notamment l'oeuvre << L'Antichita di Roma>>
Dans les années quarante, on sait que Palladio commence à mener des activités en tant qu'architecte. Après une suite de villas dans le domaine de Vicence et la commande représentative du Palais Thiene à Vicence, il est nommé le 11 avril 1549 architecte principal de la dite Basilica, des loggias du Palais della Ragione à Vicence, ce qui constitue le premier point culminant de sa carrière : à partir de ce moment, Palladio peut, à côté de ses aînés Jacopo Sansovino (1486-1570) et Michele Sanmicheli (1484-1559), faire figure d'architecte le plus important d'Italie septentrionale, et ne tardera pas à distancer ces derniers du fait de l'importance de l'histoire de son évolution. La célébrité de Palladio croît. Vers 1550 débute son amitié avec le patricien vénétien Daniele Barbaro, qui lui donne accès aux cercles aristocratiques de Venise. Un voyage à Trente en 1552 est prolongé par un séjour à Innsbruck grâce à l'invitation du Cardinal Chritoforo Madruzzi, sur l'initiative duquel le Concile de Trente avait débuté en 1545.
Palladio, tout autre que précoce, atteint au début de sa cinquième décennie de vie le paroxysme de sa carrière intérieure et extérieure. Ayant joui d'une solide formation artisanale, largement instruit dans le domaine de l'histoire et de l'architecture et très intéressé par l'humanisme, il peut déployer son imagination dans toutes les directions. Dans les années cinquante suivent surtout des villas représentatives pour les citoyens de Vicence, mais aussi pour l'aristocratie de Venise. Les villas du Vénéto sont en outre, cependant d'après une grossière généralisation des faits, devenues une sorte de synonyme de l'oeuvre de Palladio. A côté de Palladio et parmi ses successeurs, de nombreus artistes ont été actifs dans ce domaine.
Mais surtout, l'architecture de villas signifie seulement un nouveau centre de gravité dans l'oeuvre de Palladio. Depuis les années soixante du XVIe siècle, on voit apparaître des palais représentatifs et des façades de palais surtout à Vicence, et parallèlement, Venise, pour qui le style <<classique>> de Palladio devait rester étranger à sa conception <<pittoresque>> concernant la composition des façades de palais, lui offre la possibilité de réaliser des ouvrages représentatifs dans le domaine de la construction d'églises : après la réalisation en 1560-62 le réfectoire du monastère San Giorgo Maggiore et en 1562 l'élaboration des plans de la façade de San Francesco della Vigna, on commence en 1576 la construction de l'église de pèlerinage Redentore - des oeuvres dont l'importance dans l'histoire de son évolution est à la mesure de celle des édifices du domaine profane.
Le respect dont Palladio jouit auprès de ses contemporains augmente continuellement. En 1556, il avait fait partie des membres fondateurs de << l'Académie Olympique>> de Vicence. En 1566, voyageant aux frais du Duc Emanuele Filiberto, il se rend en Savoie, puis à Turin, pour continuer vers la Provence. La même année, l'Accademia del Disegno à Florence l'appelle en tant que membre.En 1568, il doit refuser une invitation à la Cour Impériale de Vienne parce qu'il est submergé de travail. En 1570, il prend la suite de Sansovino à venise en tant qu'architecte - conseil. la richesse de solutions artistiques et de possibilités d^'expression se déploie toujours d'avantage pendant les 2 dernières décennies de sa création. palladio ne paraphase pas sa maîtrise aquise dans les divers domaines d'activité mais perce, d'oeuvre principale en oeuvre principale, dans de nouveaux domaines de la composition artistique. En même temps, il tient compte des conditions données par la situation géographique ou urbanistique, en particulier en relation avec la visibilité d'une oeuve et de ses fonctions. Sa célébrité lui a manifestemement permis des libertés inhabituelles vis-à-vis de ses comettants.
Pendant la dernière année de sa vie, deux souhaits qui l'avaient longtemps préoccupé dans ses pensées et ses projets, se réalisent : la Société Olympique de Vicence lui confie la planification d'un théâtre, le Teatro Olimpico, et son vieil ami et protecteur vénétien Marcanton Barabaro, lui demande de construire une chapelle familiale sous la forme d'un ouvrage à plan central près de la villa Barbaro à Maser. Palladio est mort le 19 août 1580 pendant ces travaux - soit à vicence, soit à Maser pendant la supervision des travaux du Tempietto qui s'y trouve.
Nous ne savons pas grand chose de la personnalité de Palladio - étonnament peu pour une époque où l'on a fixé par écrit tellement de détails et d'anectotes sur la vie des artistes. Il n'a même pas été conservé un portrait authentique. De sobres documents décrivent sa vie de famille : le 14 avril 1534, on fait une estimation de la dot de son épouse Allegradonna, fille de charpentier. De l'union naissent quatre fils - Leonida, Marcantonio, Orazio et Silla - ainsi qu'une fille, Zenobia. La mort de ses deux fils Leonida et Orazio, survenue dans un court espace de temps au début de l'année 1572 semble l'avoir profondément éprouvé.
Dans ses rapports avec les commettants comme avec les ouvriers, Palladio semble avoir été aimable, attentionné et habile. Il a, d'après des rapports faits par ses contemporrains, transmis la qualité de sa propre formation dans l'atelier de Pedemuro aux membres de son atelie , et réussi à ce que tous prennent plaisir à la tâche dont il les chargeait.
Toute tentative visant à trouver l'explication des oeuvres de Palladio dans son caratère et sa biographie est condamné à l'échec, de même qu'à l'inverse , ses oeuvres refusent de fournir la moindre allusion à sa personnalité. Palladio a ainsi échappé au danger que constituent les erreurs provenant de l'interprétation réciproque des phénomènes artistiques et du tempérament personnel, méthode d'interprétation ayant ouvert tellement de fausses voies au sujet d'autres artistes excellents du XVIe siècle. Rétrospectivement, Palladio en tant qu'homme nous aaparaît tout aussi objectivé que chacune de ses oeuvres.